Politiciens incompétents
Posted By Le Contrôleur on April 26, 2016
Capitaine Albator, comme la plupart des œuvres de Leiji Matsumoto, n’est pas tendre avec la classe politique. Les politiciens de Matsumoto sont invariablement incompétents, hédonistes et libidineux, ne s’intéressent qu’au golf et à leur enrichissement personnel, et se révèlent incapables de prendre la moindre décision courageuse, même lorsque l’invasion extraterrestre est imminente. La personnification de cette débandade est le Premier Ministre de la Terre, dont le nom n’est jamais dévoilé. Au contraire d’un despote comme Bolkazander, le Premier Ministre représente un mal plus insidieux, que nul tir des canons de l’Arcadia ne saurait pulvériser.
CAPTAIN HARLOCK JIGEN KOKAI © 2015 Leiji MATSUMOTO / Kouiti SHIMABOSHI / Akita Publishing
En réalité, Matsumoto met en images le ressenti de tous ses compatriotes, ou peu s’en faut. Ce manque de confiance résigné envers le gouvernement est en effet un sentiment très répandu au sein de la population japonaise, et ce depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Comme l’explique Karyn Poupée dans son livre Les Japonais (éditions Tallandier) : “Les électeurs ont tendance à penser que, quel que soit leur vote, la politique conduite ne sera pas vraiment différente (…). Toute semble se jouer dans les coulisses d’appareils divisés en clans qui se chamaillent et se réconcilient au gré des circonstances”. Le système politique japonais “fait alterner au sommet de la hiérarchie du pays des individus fabriqués par une machine bureaucratique ou népotique”.
Par ailleurs, il est intéressant de noter que le Premier Ministre de la Terre, avec ses lunettes et sa moustache, ressemble étrangement à l’homme politique japonais Takeo Miki, tel qu’on peut le voir sur la photographie ci-dessous. Miki était justement premier ministre du Japon de 1974 à 1976, l’époque où Matsumoto commençait à dessiner Capitaine Albator. Toutefois, il ne portait alors plus la moustache depuis longtemps; cette troublante ressemblance peut donc être une simple coïncidence.
Appartenant au Parti Libéral-Démocrate, Miki arrive au pouvoir après la démission de son prédécesseur Kakuei Tanaka, soupçonné de malversations. Jusque-là surtout connu pour ses positions pro-américaines, Miki part en croisade contre la corruption qui gangrène le monde politique japonais. Cela lui vaudra la faveur de l’opinion publique (qui le surnomme “Mr. Clean”) mais aussi de nombreux ennemis au sein de son propre parti, qui voient d’un mauvais œil sa promesse de faire toute la lumière sur le scandale Lockheed. Miki démissionne finalement à son tour en décembre 1976 suite aux mauvais résultats électoraux du PLD.
Il peut sembler assez injuste que Leiji Matsumoto donne les traits de “Mr. Clean” à un personnage oisif, lâche et cupide. Toutefois, il faut garder à l’esprit que Takeo Miki, en tant que chef du gouvernement, était malgré lui le visage d’un système dont le degré de corruption éclatait alors au grand jour. Ou peut-être Matsumoto trouvait-il au contraire amusant que son méprisable Premier Ministre singe l’apparence d’un homme politique intègre et respectable…
Enfin, il est également possible que Leiji Matsumoto ne se soit pas inspiré de Takeo Miki spécifiquement, mais plutôt d’un style répandu chez les hommes politiques de l’archipel. Après tout, Miki était loin d’être le premier politicien japonais à arborer moustache et lunettes…
CAPTAIN HARLOCK JIGEN KOKAI © 2015 Leiji MATSUMOTO / Kouiti SHIMABOSHI / Akita Publishing
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