L’Arcadia de ma Jeunesse

Posted By on May 8, 2016

Lorsque Toei et Bandai, surfant sur le succès des deux films de Galaxy Express 999, décident au début des années quatre-vingt de mettre en chantier un film consacré au Capitaine Harlock, ils se retrouvent confrontés à un problème de taille : le manga de Leiji Matsumoto dédié au pirate a déjà fait l’objet d’une série télévisée, sans compter que le mangaka a interrompu sa bande-dessinée après seulement cinq volumes.

Matsumoto et les scénaristes du film ont alors l’idée d’utiliser les autres personnages nommés Harlock qui apparaissent dans les différents mangas de l’auteur, notamment dans la série Battlefield Manga. Et si ces Harlock étaient les ancêtres du pirate de l’espace ? Ce sera le fil rouge du film, qui reprend même le nom d’un récit des Battlefield Manga : Waga Seishun no Arcadia (“L’Arcadia de ma Jeunesse”). Ce titre est cher à Matsumoto puisqu’il fait référence à son film fétiche Marianne de ma Jeunesse.

manga_WagaSeishunNoArcadia_JPWAGA SEISHUN NO ARCADIA © 2010 Leiji MATSUMOTO / Shogakukan

Le manga Waga Seishun no Arcadia est publié en 1976 dans la revue Big Comic Original de Shogakukan. L’intrigue de la bande-dessinée est très similaire à son adaptation dans le film : pendant les dernières heures de la Seconde Guerre Mondiale, un pilote allemand, Phantom F. Harlock II, fait la connaissance d’un ingénieur japonais, Daiba. Tous deux dégoûtés par le conflit, les deux hommes, devenus amis, décident de déserter et de fuir en Suisse. Mais l’avion d’Harlock, rebaptisé Arcadia en référence à ses ancêtres pirates, s’écrase tout près de la frontière. Rattrapés par la Résistance, Harlock décide de rester en arrière pour couvrir la fuite de Daiba…

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WAGA SEISHUN NO ARCADIA © 2010 Leiji MATSUMOTO / Shogakukan

Quelques petites différences existent entre le manga et la version animée : déjà, Daiba devient dans le film un ancêtre de Tochirô et est donc rebaptisé Toshirô Ôyama. Phantom F. Harlock II est borgne dans le manga, mais a encore ses deux yeux dans le film. On note également que le manga comporte une scène où Daiba efface la svastika de l’avion d’Harlock et la remplace par le symbole de son clan. Un détail intéressant quand on se rappelle que lors de la diffusion française du film (découpé en épisodes et incorporé à la série Albator 84), certains plans où la svastika était visible avaient été coupés pour ne pas (trop) montrer que l’ancêtre d’Albator faisait partie de la Luftwaffe.

L’autre grosse différence est que le manga commence et se termine en 1976 : on y découvre Harlock vieux et aveugle (la Résistance lui ayant crevé son œil valide), accompagné de sa fille nommée Sélène. C’est alors qu’il reçoit la visite du fils de Daiba, qui vient lui rendre son “œil”, c’est-à-dire son viseur Revi C12/D qu’Harlock avait confié à son ami avant leur séparation.

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WAGA SEISHUN NO ARCADIA © 2010 Leiji MATSUMOTO / Shogakukan

Bien avant que ne soit élaboré le synopsis du film, Matsumoto tissait déjà des liens avec une histoire précédente. Harlock y fait en effet référence aux mémoires de son père Phantom F. Harlock premier du nom, mémoires justement intitulées “L’Arcadia de ma Jeunesse”. Pilote d’un biplan lui aussi nommé Arcadia, Phantom F. Harlock apparaissait pour la première fois dans l’histoire Stanley no Majo (“La sorcière de Stanley”), publiée en 1973 dans la revue hebdomadaire Shûkan Shônen Sunday. Sans surprise, cette histoire sera elle aussi incorporée au film Waga Seishun no Arcadia.

Les mémoires du pilote sont au cœur de l’intrigue de Stanley no Majo : Phantom F. Harlock y relate en effet sa tentative de franchir avec son avion la chaîne Owen Stanley, en Nouvelle-Guinée. Vaincu par la montagne et forcé de rebrousser chemin, Phantom F. Harlock voit alors apparaître sur la montagne un visage féminin qui semble moquer sa vaine tentative.

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WAGA SEISHUN NO ARCADIA © 2010 Leiji MATSUMOTO / Shogakukan

Dans le manga Stanley no Majo, les mémoires de Phantom F. Harlock (qui dans cette première histoire sont intitulées “La Sorcière de Stanley” et non “L’Arcadia de ma Jeunesse”) sont lues par un pilote de bombardier Mitsubishi G4M stationné en Nouvelle-Guinée, alors sous occupation japonaise. Bientôt, l’île devient le théâtre d’un affrontement avec les forces alliées (probablement la Bataille de la mer de Corail de mai 1942).

Attaqué par les chasseurs ennemis et séparé du reste de son groupe, le bombardier se retrouve face à la chaîne Owen Stanley. Le jeune pilote parvient de justesse à franchir la montagne, mais constate avec horreur qu’il ne reste plus que lui à bord : le reste de son équipage s’est sacrifié pour alléger l’appareil et lui permettre de passer. Écœuré, le pilote jette le journal de Phantom F. Harlock… et aperçoit à son tour le visage de la sorcière se dessiner sur l’impitoyable montagne.

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STANLEY NO MAJO © 2010 Leiji MATSUMOTO / Shogakukan

Tout ce passage est évidemment absent du film, qui reprend toutefois la même idée générale et la transpose dans l’espace. Dans le film, le vaisseau spatial Arcadia tente de franchir les soleils jumeaux du système Vesveras (issu du manga Queen Emeraldas). Comme le bombardier G4M de Stanley no Majo, le vaisseau ne parviendra à traverser ce terrible obstacle qu’au prix du sacrifice des derniers habitants de Tôkarga qui se trouvaient à son bord.

Évidemment, cette tragédie a nettement moins de sens dans l’espace, où le poids du vaisseau ne devrait à priori avoir que peu d’importance !

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STANLEY NO MAJO © 2010 Leiji MATSUMOTO / Shogakukan


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