Harlock, l’objectiviste ?

Posted By on April 21, 2016

Publiés respectivement en 1943 et 1957, les romans La Source Vive (The Fountainhead) et La Grève (Atlas Shrugged) de l’intellectuelle américaine Ayn Rand posent les bases d’un courant de pensée qui sera bientôt appelé Objectivisme. Née en Russie, Rand — de son vrai nom Alissa Zinovievna Rosenbaum — émigre aux Etats-Unis en 1926. Elle gardera une haine profonde de la pensée communiste, qui deviendra le fondement de sa propre philosophie.

L’objectivisme prône que le seul but de l’homme est d’assurer sa propre survie et son propre bonheur, ce que Rand appelle “l’égoïsme rationnel”. Pour Ayn Rand, toute notion de collectivité, d’altruisme ou de partage des ressources est, par définition, amorale car elle revient à déposséder les créateurs de richesse — ou “hommes de l’esprit” — du fruit de leur labeur individuel. Le laissez-faire capitaliste est donc le seul système politique et économique viable, puisqu’il permet à chacun de créer et profiter de sa propre réussite sans avoir de comptes à rendre au reste de l’humanité (les “pillards”). Évidemment, les critiques de l’objectivisme n’ont pas manqué de souligner les relents nauséabonds de cette mentalité de “loi de la jungle”, ultra-individualiste et ultra-capitaliste.

CHDV_objectivismeCAPTAIN HARLOCK JIGEN KOKAI © 2015 Leiji MATSUMOTO / Kouiti SHIMABOSHI / Akita Publishing

Il est facile de voir comment une lecture superficielle du personnage d’Albator peut faire écho à la pensée objectiviste. N’a-t-il pas renié l’humanité, ces lâches qui ne pensent qu’à leur divertissement ? Ne s’est-il pas exilé dans une utopie, l’Arcadia, rejetant les lois et les gouvernements qui régissent le commun des mortels ? N’insiste-t-il pas que chaque homme doit être libre de tracer sa propre route et forger son propre destin ?

Et pourtant la philosophie d’Albator s’avère être, par bien des aspects, l’antithèse de l’objectivisme. Oui, il a choisi une vie solitaire dans les tréfonds de l’espace. Oui, il est parfois en colère contre le reste de l’humanité, oisive et insouciante. Néanmoins Albator ne s’est pas entouré d’une élite. Ses membres d’équipage ne sont pas beaux, riches ou particulièrement intelligents. Ils sont ceux-là même que la pensée objectiviste considèrerait des médiocres, des parasites ou des ratés — la lie de la société. Les valeurs chères au capitaine pirate sont la générosité, le courage, la grandeur d’âme. Quant à la quête capitaliste de richesses, elle ne saurait être plus éloignée de ses préoccupations : s’il pille les trésors du gouvernement terrien, c’est pour mieux les redistribuer aux plus démunis.

Enfin, il suffit qu’un danger menace cette humanité qu’il a en apparence rejetée pour que le “capitaine au cœur d’or” revienne la défendre au péril de sa vie, ce que ne ferait certainement pas un personnage d’Ayn Rand !


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